Comment intégrer les TIC en éducation à l’ère post-covidienne?

7 août 2020
C’est durant leur jeunesse que mes grands-parents se sont fait promettre des miracles avec l’avènement des premiers ordinateurs à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, il a fallu attendre près d’un demi-siècle dans les années 80 pour que les ordinateurs se démocratisent dans les maisons avec les fameux modèles Commodore 64 ou Macintosh. Durant leur adolescence, mes parents se sont fait vanter les progrès fulgurants de la technologie au point où les automobiles volantes devaient envahir le ciel occidental au tournant du millénaire. Quelle tristesse de constater que même en 2020, cette utopie n’a toujours pas vu le jour! Durant mon enfance, j’ai eu la chance d’assister à l’émergence des téléphones dits « intelligents » et des obnubilantes tablettes avec la naissance du tout premier iPhone en 2007 et du premier iPad en 2010. Ainsi, durant tout le début de mon parcours scolaire, je m’étais fait juré par mon entourage que ces technologies de l’information et des communications (TIC) allaient être si répandues que rendu à l’université, ces dernières allaient remplacer tout support papier et que mon sac à dos allait contenir qu’un ordinateur et une tablette. À l’aube de ma rentrée universitaire, ce n’est toujours pas le cas…
En revanche, devant l’impératif de l’enseignement à distance imposé par la crise sanitaire mondiale que l’on vit présentement, cette dernière devrait sonner le glas de la résistance traditionaliste et technophobe qui ne veut pas voir les méthodes pédagogiques évoluées. Force est de constater que l’intégration des TIC en éducation à l’ère post-covidienne est possible et nécessaire sans nuire à la qualité de l’enseignement et au renouvellement de l’éducation.
Avant d’expliquer en quoi la pandémie change la donne en matière d’intégration des technologies au parcours scolaire, il faudrait s’intéresser davantage à la différence entre l’instruction et l’éducation, en plus de l’histoire et l’objectif de cette dernière. En effet, alors que l’instruction réside strictement dans l’enseignement et la transmission d’un savoir principalement intellectuel, la définition moderne de l’éducation ne se réduit pas à si peu. Du latin ex-ducere qui signifie « guidée hors de », l’éducation comprend la « mise en œuvre des moyens propres à assurer la formation et le développement d’un être humain. » Ainsi, la définition implique bien plus que le simple savoir, en incluant les dimensions du savoir-faire, savoir-être et de l’être à proprement parler. La conception moderne de l’éducation a donc pour but de former des citoyens ayant un bagage de connaissances théoriques, mais également de l’expérience pratique, de l’intelligence émotionnelle et des outils nécessaires à la construction de son identité et son développement en société.
Il est d’ailleurs intéressant de se tourner vers l’histoire de l’éducation en Occident pour retracer les origines de notre conception moderne menant à l’épanouissement de chaque individu. Autrefois réservé à l’aristocratie et l’élite intellectuelle grecque, c’est en -387 que Platon fonda son Académie à Athènes où il enseignait la philosophie. Aristote suivi les pas de son maître et fonda son Lycée en -335 dans la même ville. L’éducation a évolué depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen-âge avec celui « qui a eu cette idée folle, un jour, d’inventer l’école ? […] C’est ce sacré Charlemagne » comme nous rappelle la chanson thème de l’émission La classe de 5e. En effet, le roi Charlemagne a modernisé l’éducation avec l’enseignement des 7 arts libéraux. Il faudra attendre jusqu’au 19e siècle pour que les États occidentaux élargissent l’accessibilité à l’éducation afin d’alphabétiser la population.
Ainsi, l’éducation a eu pour vocation l’enrichissement, les enseignements religieux, la morale, l’alphabétisation, etc. De nos jours, l’éducation est un droit garanti par la Convention internationale des droits de l’enfant adopté par l’ONU le 20 novembre 1989. Il est primordial de rappeler deux des objectifs de l’éducation inscrits dans cette Convention en ces temps de crise sanitaire :
· « Favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ;
· Préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone. »
Ceci n’est sans compter les trois objectifs du Programme de formation de l’école québécoise soit instruire, socialiser et qualifier les jeunes. Selon le même document, pour qualifier les élèves, il faut notamment « faciliter leur intégration sociale et professionnelle ».
Quel est le rapport entre tout cela et l’intégration des TIC en éducation? Force est de constater que notre conception moderne de l’éducation comprend l’individu dans son ensemble pour garantir son épanouissement, que l’éducation est un droit fondamental, qu’elle devrait préparer les jeunes à affronter la société de demain et que tout ceci est sous-entendu par des documents faisant largement consensus. Alors, si nous voulons « préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre » et « faciliter leur intégration sociale et professionnelle » dans un monde en pleine effervescence où la technologie est omniprésente et incontournable, nous devons accepter cette dernière dans notre système éducatif. De plus, on peut constater que c’est toujours les quelques mêmes individus qui monopolisent l’espace médiatique dans les journaux pour mettre des bâtons dans les roues de tous leurs détracteurs qui essayent de faciliter l’intégration des technologies au parcours scolaire des enfants pour qu’ils soient prêts à relever les défis de demain.
Bien qu’il ait fallu une pandémie pour commencer à faire bouger les choses, il faut souligner les diligentes initiatives du gouvernement Legault. En effet, à la fin du mois de mai, le ministre de l’Éducation, M. Jean-François Roberge, annonçait un investissement de 150 millions de dollars pour le possible achat de 250 000 tablettes et ordinateurs. Faisons le souhait collectif que la pause sociétale forcée nous ait permis de retirer certaines leçons sur la manière dont on dispense l’éducation au Québec, et que l’on profite de la COVID-19 pour faire plus et faire mieux en matière d’intégration des technologies de l’information et des communications au parcours scolaire. Afin que je puisse retourner à l’université en présentiel avec seulement un ordinateur portable et une tablette dans mon sac et pour que nous puissions dire collectivement à nos enfants que cette crise sanitaire aura donné un second souffle à notre système éducatif, il faudra nécessairement accueillir un véritable vent de changement technologique où nous aurons plus peur de mettre à contribution les innovations technologiques pour renouveler la résilience et la capacité d’adaptation du peuple québécois.